Au Rwanda

Le Rwanda est un petit pays d’Afrique Equatoriale densément peuplé et très cultivé, qui n’a pas de frontière avec la mer, mais a de nombreux lacs. Le plus grand est le Lac Kivu, qui fait frontière avec la République Démocratique du Congo. Le climat est tempéré et humide.

Les activités de l’Association Ubuntu ne couvrent pas tout le pays, mais uniquement le vilage de Bwira. La carte ci-dessous montre où se trouve Bwira (rouge) par rapport à la capitale Kigali (violet):

L’histoire de Bwira, contée par MUHASHYI Patrice,

NE EN 1928,

GUERISSEUR DE SA PROFESSION

AVANT PROPOS :

Cette histoire permet à l’association Ubuntu de faire connaître les habitants de Bwira, à travers leur histoire. En effet, pour ceux qui visitent cette page pour la première fois, le sujet de notre association est d’aider les habitants de Bwira. Nous désirons vous mener plus loin dans les profondeurs du Rwanda.

L’association Ubuntu.

Muhashyi Patrice est l’une des personnes les plus âgées de Bwira.

Son épouse Elisabeth est membre de la coopérative ABIHUJE.

Nyabusage est le père des Abasage. La majorité des habitants de Bwira sont ses descendants. D’ailleurs, une grande partie de Bwira porte toujours le nom de « mu basage », littéralement « chez les Fils de Nyabusage ».

Il est arrivé à Bwira, en provenance de Bumbogo (Kigali). A son arrivée, il s’est d’abord installé à Gihuku. Puis il a déménagé pour s’installer à Kigarama, où il a mis en place une plantation de bananiers des variétés connues sous le nom de « Intokatoki »  et « inyamunyo », la banane qui se mange verte, en légumes.

Plus tard, il déménagea de Kigarama pour venir habiter à l’endroit où l’école de Gitarama est actuellement construite.

Un jour, accompagné par ses béliers, le taureau de Nyabusage alla paitre à l’endroit où se trouve la borne fontaine aujourd’hui. Alors que le beau taureau avançait vers une herbe tendre et bien juteuse, il fourra son pied puis sa jambe dans une source d’où jaillit une eau abondante. La vache se désaltéra, puis se coucha sur place.

Dès lors, Nyabusage, qui jusqu’alors avait l’âme d’un nomade, décida de s’installer définitivement à Gitarama, tout près de cette belle source d’eau qui sort des rochers et qui aujourd’hui porte son nom : c’est la source des Basage, parce qu’elle a été découverte par le taureau de Nyabusage.

Lorsqu’il alla rentrer le taureau à la tombée de la nuit, Nyabusage le trouva confortablement installé près de la source, couché et repu. Il rentra les béliers et laissa le taureau couché à la source.

Nyabusage construisit sa maison à l’emplacement actuel de l’école.

Plus tard, Nyabusage partit à la chasse avec son chien chasseur qui avait traqué un animal sauvage. L’animal courut vers une maison où une jeune fille était assise dans l’entrée, en train de tisser un panier “icyibo”. Surprise, la jeune fille voulut frapper l’animal. Mais l’animal, rapide, entra dans la maison, et le coup porté atteignit le chien chasseur qui courait derrière. Le chien chasseur mourut-sur-le-champ.

Le chasseur rentra derrière son chien et le trouva étendu sur son dos, mort. Il demanda réparation, et le père de la fille lui proposa une vache.

Il refusa la vache et demanda à la place la main de la fille qui avait tué son chien, ce qui lui fut accordé. Il épousa donc la fille et en fit sa femme. Elle lui donna cinq enfants dont une fille. Le premier s’appelait Mizingo, le deuxième Kananga , le troisième Kabeba, le quatrième Dogo, et la cinquième, la fille, s’appelait Nyiramariza.

Il y a donc quatre maisons des Basage, les fils de Nyabusage, et une cinquième, celle de la fille, Nyiramariza qui mit au monde Mpanju, lequel donna naissance à Kababa, qui lui-même avait été mis au monde par Muganyari.

Le « Waterloo » de Bwira existe : c’est un endroit aujourdh’ui connu sous le nom de « ku Kabuga ». Autrefois on l’appelait « Mu irasaniro » ou le champ de bataille, parce que les Basage s’y livraient à des batailles contre les Abazigaba, une autre famille d’une partie de Bwira, aujourdh’ui connue sous le nom de Bungwe. Ils se battaient avec des arcs et des flèches.

Récit de quelques us et coutumes:

 I.            Cérémonie « Kubandwa » . Un jour, le roi se rendit au Mutara (dans l’Est du Rwanda actuel) et vit les Imandwa qui faisaient du feu. Il alla vers eux pour leur demander du feu, afin d’allumer sa pipe. Les Imandwa lui demandèrent « et si nous te donnons le feu, que nous donneras-tu en échange ? ». Le roi leur répondit qu’il leur accorderait tout ce qu’ils demanderaient. Voici ce que les Imandwa demandèrent au roi en échange du feu : « installes-nous à l’intérieur de ta maison, et pries-nous ». C’est ainsi que sont arrivés les Imandwa.

La cérémonie de Kubandwa  commençait par une préparation : il fallait d’abord consulter le devin. Une fois l’autorisation de Kubandwa obtenue,  il fallait introniser Ryangombe  et désigner Binego. Ensuite ils pouvaient pratiquer la cérémonie « Kubandwa » :

Maquillage: Ils se mettaient de la chaux sur tout le corps.

Costumes: Ils portaient des peaux d’écureuils, de moutons et d’« imondo » .

Repas de la fête de kubandwa :

Plat principal : Pate (de sorgho) « Umutsima », haricots, colocases

Boissons : Du vin de banane, de la bière de sorgho.

Après le repas suivait la danse, les nouveaux initiés étaient baptisés et recevaient leur nom de baptême :  « leur nom d’Imandwa ». Le but de kubandwa était de chasser les mauvais esprits et pour avoir la paix et la prospérité.

II.         « Guterekera » ou faire un don à ses ancêtres, était une cérémonie qui se pratiquait le soir, dans le but de demander aux esprits la vie et la bénédiction. Etaient utilisés dans cette cérémonie :  le vin de banane, les haricots, la pate de sorgho. Selon la gravité de la situation ou l’intensité qu’on voulait mettre dans la demande, on pouvait aller jusqu’à abattre une vache pour avoir de la viande à rajouter dans la cérémonie : cela apaisait la colère des esprits.

III.       « Gucuragura ». C’était une cérémonie qui se pratiquait de nuit, sans témoin. De ce fait, les gens qui pratiquait Gucuraguara étaient considérés des empoisonneurs, des gens dangereux dont il fallait se méfier. En réalité, le Gucuraguara était une forme particulière de « Guterekera », sans mauvaises intention. La pratique consistait à faire tourner deux vanneries tout en tenant un petit pot en terre dans lequel il y avait des os qui brulaient dans un petit feu. Ces vanneries servaient à attiser le feu tout en le cachant, pour ne pas être repéré. On les voyait sur la colline de temps en temps quand on sortait de nuit, grâce au petit feu qui s’allumait dans l’obscurité l’espace de quelques secondes et semblait se déplacer à travers les champs.

IV.         « Uburozi » ou le poison. Muhashyi explique: « La plupart des antidotes, ce sont les plantes qui provoquent la nausée puis l’expulsion du poison à travers le vomis. Les gens empoisonnaient les autres par jalousie et haine. Je suis né en 1928, et déjà les empoisonneurs existaient. Ce sont les étrangers qui nous ont montré les antidotes. Personnellement, ceux que j’utilise dans mon métier, c’est mon père qui me les a montré et me les a légué. S’agissant du poison, c’est tout ce qui n’est pas bon à consommer. »

 V.         « Kuragura » les médiums.  Les grands médiums se trouvent à « mu Gitoke », derrière la montagne de « Ndiza », dans la Province du Centre. Dès qu’ils voient quelqu’un, les médiums prédisent des choses, dans un proche avenir, qui souvent se réalise. Chez les Basage, il n’y a plus de médiums. Il y en a eu : Nyiranyundo, la femme de Rufiri, Nyirabarigira la mère de Fideli, Ntibangurubwa. Toutes les trois sont des femmes qui étaient venues d’autres maisons pour se marier aux Fils de Nyabusage.

 VI.        « Kuziririza » ou les interdits. Il était interdit d’épouser une fille de sa propre famille par exemple. Aujourdh’ui, il n’y a plus d’interdit. On dit « Kiliziya yakuye Kirazira », autrement dit depuis que l’Eglise catholique est arrivée, la pratique des interdits est tombée dans les oubliettes, dépassée.

 VII.      « Les Abasage croyaient en un seul Dieu » Ils connaissaient et reconnaissaient un dieu créateur, ils vivaient cette foi tous les jours. Pour eux le mystère de la foi était constamment  avec eux. Ils faisaient la pratique de « Kubandwa ». Ils plantaient un bananier et le voyaient pousser, grandir et donner des fruits et se reproduire. Tout le mystère de la foi était ainsi dans leur vécu. Le dieu qu’ils priaient les écoutait et leur en donnait la preuve.

« Kubandwa » était une forme de prière, un moment dédié à la connexion avec dieu, une démonstration de leur foi et leur façon de communier avec dieu. Dans la cérémonie de « Kubandwa », ils se faisaient entourer par toute la famille étendue, ils préparaient du vin de banane en grande quantité pour la cérémonie, ils invitaient d’autres familles. Celui qui ne croyait pas en dieu ne prenait pas part à la cérémonie de « Kubandwa ».

 VIII.   L’agriculture. Les Abasage cultivaient l’orge, les haricots, le sorgho, les bananes, les patates douces, les colocases. Les courges et les pommes de terre poussaient sans aide, et on les jettait dans la rivière de Kibilira qui prend sa source à « mu Kabere », sur la côte vers chez Munyampundu, l’endroit connu sous le nom de  « mu Rukombe ». Fe là Kibilira rencontre l’autre bras de la rivière connue sous le nom de « Rutenga », tout près de chez Munyampundu. A noter que c’est Nyabusage qui a amené les bananiers à Gitarama. Avant lui, il y avait de la forêt partout où est actuellement construite l’école.

IX.         L’école de Gitarama, connue aujourd’hui sous le nom de Bwira. En effet, les noms des localités ont été modifié il y a une dizaine d’année. L’endroit connu aujourdh’ui sous le nom de Bwira était, jusqu’à une époque très récente, nommé « Gitarama ».

Cette école, Muhashyi a souvenir qu’elle était tenue par un enseignant nommé Petero Ruturi. Il est parti de l’école pour devenir juge à  Hindiro sous la première république (entre 1959 et 1973).

Petero Ruturi remplaçait un autre enseignant prénommé Sitefano.

« Je n’ai pas connu Sitefano. L’école de mon enfance, c’était un seul bâtiment, une seule salle de classe. On disait qu’au début, ce bâtiment servant d’école était couverte avec de la paille. Je ne sais pas dire à quelle époque elle a été construite, mais quand j’ai grandi, j’ai vu l’école recouverte de tuiles. C’était à l’époque de l’enseignant Petero, remplaçant de Sitefano. »

A sa mort, Nyabusage  a été enterré chez lui, là où l’école de Gitarama est construite.

« Le plus loin que je suis allé de Bwira, c’est en Uganda et à Nairobi au Kenya, en 1979. Je ne connais pas la deuxième guerre mondiale. Ce que j’ai vu, c’est un avion qui est venu la première fois. Nous l’avons vu venir de derrière la montagne de Ndiza. Il faisait beaucoup de bruit, c’était impressionnant et affolant. En très peu de temps il a disparu de notre vue. Les gens racontaient qu’il allait atterrir à Goma, au Congo.

 Mon père, Senyabugunzu avait 6 enfants. Quand il s’est éteint, il avait 3 femmes.

Quant à moi, j’ai eu deux femmes que j’ai épousées à mes dix huit ans.

Mes enfants sont morts, et mes petits enfants, je n’en connais pas le nombre.

 Une des guerres civile du Rwanda connue sous le nom de « Muyaga » a eu lieu quand j’étais au Kenya. J’avais 38 ans.

 Pendant la guerre de 1994, j’ai perdu ma fille qui a été fusillée.

Je suis rentrée chez moi et je l’ai trouvée devant la cour de ma maison, tuée.

Quant à la famine, elle ne finit pas.

 Je ne connais pas l’avenir. A ce jour, 8 décembre 2011, tout va bien. Et je vois un avenir radieux.

 Ma contribution, c’est l’amour.

J’ai personnellement fait la pratique de “Kubandwa”, dans le but de chasser les esprits mauvais.

 Je me suis converti à la religion chrétienne en pleine guerre, en mars 1997. J’ai même écrit cette date sur ma maison. Prier a été utile pour moi. J’ai rencontré des gens qui m’ont aidé à connaître dieu. Seulement j’ai bu un peu de bière et cela m’a valu une mauvaise note, ce qui fait que je n’ai pas réussi les examens à passer. J’avais oublié pas mal des choses apprises et je mélangeais tout. La communauté de base de l’église m’a ordonné de suivre les enseignements à nouveau.

D’autres qui étaient venus boire avec moi ont dû reprendre des cours pendant deux mois. De plus, je n’arrive plus aller à Muhororo, c’est trop loin pour moi.

Ce que je viens de vous dire, je l’ai appris en écoutant les personnes plus âgées parler.

Les Abasage sont une famille qu’on retrouve aussi à « mu Bumbogo », à « mu Bubereruka », à «  ku Rushashi », à « mu Bwiza », à « Kabuhanga » après « mu Rutsiro » ; ceux-là sont venus de Bwira, à Kageyo. Tous ceux qui sont dans l’Ouest sont venus de Gitarama, maintenant Bwira ».

Propos recueillis par l’Association Ubuntu. Tous droits réservés. Copyright 2011.